Et si les émotions étaient une force ?

Certaines personnes sont très au contact de leurs émotions et de leurs ressentis. Selon leur témoignage, cela leur apparaît à première vue plutôt gênant, voire invalidant, dans une société qui fonctionne beaucoup par l’analyse, le factuel, le raisonnable. Etre ému aux larmes devant un film regardé dans l’intimité de son foyer passe encore, mais laisser transparaître cette sensibilité à fleur de peau dans des univers professionnels ou amicaux leur semble plus complexe et parfois douloureux. Se sur-adapter à des univers qui fonctionnent essentiellement avec des règles, des protocoles ou des fonctionnements analytiques rationnels peut les contraindre ou leur faire douter d’eux-mêmes.


Se sentir entier

Or, les personnes – homme ou femme- qui ont accès à leur émotion, à leur vulnérabilité, ont en fait accès à leur entièreté. Elles sont plus à même de ressentir la joie, la gratitude, la créativité, l’enthousiasme qui sont de vrais moteurs.

Elles ont à apprendre à intégrer leurs émotions, bien plus qu’à les gérer.

Elles ont besoin d’apprendre à agir, avec discernement, à partir de leurs émotions et de leurs ressentis, bien plus qu’avec une analyse des faits ou une justification en cascade qui les perd et les épuise. C’est alors qu’elles reprennent de la puissance et ont le plus d’impact.

Car elles ont une capacité à sentir les choses, les gens. Elles ont alors à apprendre à distinguer leur ressentis, qui les guident, des projections ou interprétations qui peuvent les tromper (projections qui parlent alors bien plus d’elles-mêmes que de l’autre).

Le rôle des émotions

Les émotions permettent aussi d’intégrer des événements de vie bien plus que le raisonnement mental permet de le faire.

Dans le cas d’un deuil, par exemple, pouvoir ressentir, traverser la douleur de la perte, surtout si c’est en communion avec les autres, permet d’en sortir renforcé.

Se laisser traverser par ses émotions sera bien plus guérisseur que relativiser mentalement : « Il était âgé, il a eu une belle vie », par exemple, même si relativiser et mettre ainsi en perspective peut être aidant un moment.

Les émotions et ressentis peuvent informer très en amont d’une injustice, d’une atteinte, d’une trahison… si on veut bien écouter leurs signaux et les prendre en considération. Alors que la raison voudra attendre les faits, les preuves, les arguments. La question est moins « Est-ce que l’autre fait vraiment cela ? » ou « pourquoi fait-il cela ? » que « Est-ce que la manière dont se comporte l’autre, quel que soit le nom que cela porte et quelles que soient ses raisons, me convient ou pas ? m’alerte ou pas ? »

Les émotions, support de croissance

Parfois ces émotions sont la répétition de ce qui a été vécu et ressenti plus tôt dans son histoire. L’autre devient un « support » pour « rejouer » quelque chose de son vécu.

Dans ce cas, cette émotion affleurante appelle, cherche une issue, cherche à être assimilée pour se dissoudre. Pouvoir entendre ces émotions – colère, peur ou douleur- pour ce qu’elles sont et apprendre comment agir quand elles ressurgissent pour les intégrer/désintégrer permet de ne plus être prisonnier de réactions répétitives.

L’accès aux émotions devient alors une porte vers plus de libération et permet d’apprendre à être soi, dans son âge, sa maturité et ses capacités d’aujourd’hui. En ce sens, on se sent alors « grandir ».

Exprimer plutôt qu’expliquer, pour plus d’authenticité

Les personnes qui ont accès à leurs émotions peuvent plus facilement exprimer ce qu’elles vivent et comment elles le vivent au lieu de l’expliquer. De ce fait, elles vont être plus authentiques, plus vraies, plus profondes. Ce sont ces personnes qui contribuent à susciter, au sein d’un groupe, l’empathie et des connexions sincères entre les personnes.

Brené Brown*, lors de ses recherches sur la vulnérabilité, témoigne même à quel point les personnes qui embrassent littéralement leur vulnérabilité et ont le courage d’assumer être imparfaits, découvrent qu’elles sont dignes d’être aimées et d’appartenir à des groupes, d’avoir leur place.

Accepter sa vulnérabilité et légitimer ses émotions et ressentis permet d’agir, de décider alors même qu’il y a une part d’inconnu, d’incertitude, une absence de garantie. Cela permet d’oser aller sur des territoires inconnus sans chercher à tout contrôler par avance. En étant vrai. Ces personnes nourrissent la capacité de reliance, d’appartenance et d’empathie entre les personnes, ce qui fonde notre humanité et favorise des relations de grandes qualités.

*Vidéo TedX “The power of vulnerability”